« J’ai le même espoir de survie que tout le monde. J’ai juste plus d’acceptation que je vais mourir à un moment donné »
Ce que réalise Alex Honnold, pour ceux qui ont tâté de l’escalade, n’est même pas pensable. Un mur de 900 mètres (dans le Yosemite), à mains nues, avec juste son froc et du pof, et la Vie qui ne tient qu’à un doigt, un bout de pompe, un dérapage, une erreur. Mais il ne commet pas d’erreur, et plus il repousse ses limites, plus il se sent libre.
Alex se fait la North Face en chemise ringarde et en bermuda. On est loin de la super frime. Le très haut niveau rime avec dépouillement...
Un sujet enfin en français sur Alex :
Nous reparlerons bientôt de ces conquérants de l’impossible, qui frôlent la Mort à chaque pas. On n’est plus dans le sport, on est ailleurs. Ces fous grimpent autre chose que des parois, peut-être sont-ils à la recherche de l’émotion ultime, celle qui dépasse la plus grande peur. Une manière de vaincre la mort et de se désangoisser.
Mais à quel prix : beaucoup des free climbers tombent un jour. Le Yosemite, depuis les années 60 où ses parois ont été découvertes par les grimpeurs (des hippies), a vu beaucoup d’accidents. Heureusement, tous ne montent pas sans assurance. Au début, les grimpeurs mettaient deux semaines pour arriver au bout d’El Capitan (915 mètres d’ascension)...
Il y a 3 jours, le 6 juin 2017, Alex s’est avalé les 900 mètres en 4 heures...
À chacune de ses ascensions à couper le souffle, Alex Honnold défie les lois de la gravité, et de la mort. Tel Spiderman, il peut escalader des surfaces presque verticales en ne s’aidant que de ses mains et de ses pieds. Souvent considéré comme le meilleur grimpeur en solo intégral du monde, il détient plusieurs records de vitesse, notamment pour El Capitan, dans la vallée de Yosemite aux États-Unis.
Ces dernières années, il a perdu des amis proches lors d’accidents mortels. Il maintient qu’il n’est pas accro à l’adrénaline. Cependant, il explique dans son nouveau livre, Alone On The Wall : Alex Honnold And The Ultimate Limits Of Adventure, qu’il est décidé, malgré les dangers, à repousser les limites de ce sport qu’il aime tant.
Depuis la maison de sa mère à Sacramento, en Californie, il explique pourquoi il est connu sous le nom de Alex « No Big Deal » (« Rien d’extraordinaire »), ce qu’être une « ordure » signifie, comment il gère sa peur de la mort et pourquoi il veut que la Fondation Honnold donne en retour aux pays du tiers-monde où il fait souvent de l’escalade.
Un de vos collègues a déclaré que si vous étiez un grimpeur aussi intrépide, c’est parce que vous ne redoutez pas la mort. Est-ce exact ?
Beaucoup de gens disent que je n’ai pas peur ou que je ne redoute pas la mort mais ce n’est absolument pas vrai ! J’ai le même espoir de survie sain que n’importe qui. Je ne veux pas mourir. Du moins, pas tout de suite. [Rires] Je pense que j’accepte simplement plus l’idée de devoir mourir un jour. Je le comprends mais je ne veux pas m’épargner en chemin. Je veux vivre d’une certaine manière, qui demande de prendre un nombre de risques important, et ça me va.
Votre surnom dans la Vallée de Yosemite est Alex « No Big Deal » (« Rien d’extraordinaire »). D’où cela vient-il ?
[Rires] Mes amis me chambrent parce que je minimiserais la difficulté de ce que j’ai accompli. Moi, j’estime que j’ai tendance à être réaliste dans mes évaluations, [Rires] car certaines choses me sont toujours venues facilement. Je tiens un journal de tout ce que j’ai grimpé depuis 2005. Concernant le solo intégral du Half Dome, j’ai inscrit un smiley déçu et annoté ce que j’aurais pu mieux faire, puis je l’ai souligné. Il s’avère que ça a été une de mes meilleures réussites en escalade. Mais à ce moment-là, je me disais juste que ce n’était pas parfait, que j’aurais pu mieux faire.
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Qu’est-ce qui vous attire dans ce sport de fou qu’est le solo intégral ?
[Rires] Pourquoi ne serais-je pas séduit ? Je voyage dans les plus beaux endroits de la terre et je pratique une activité physique rigoureuse que je trouve très amusante. Qui n’aimerait pas ça ?
Beaucoup de gens partent du principe que je suis forcément un accro à l’adrénaline mais l’escalade ne procure en vérité que très peu d’adrénaline car tout va lentement. Grimper est le contraire des sports jouant sur la gravité comme le surf ou le snowboard. Ce sont des sports d’adrénaline car une fois que tu te lances, le reste suit. En escalade, il faut délibérément grimper centimètre par centimètre cet énorme mur.
On parle souvent de vous comme d’une « ordure ». Ce n’est pas une insulte, n’est-ce pas ?
[Rires] Ordure est juste un terme que l’on utilise comme quand on parle d’un mec extrême en surf. Dans la culture de l’escalade, ça veut dire y être dévoué à vie, c’est quelqu’un qui a choisi une éthique minimaliste pour pouvoir en faire. En gros, ça veut dire que tu es sans domicile par choix. [Rires] Je vis principalement dans mon van. Je n’ai plus de relation sérieuse. J’imagine que j’essaye de vivre une vie avec le moins de nuisances possibles et de minimiser mon impact sur le monde. Mes distances parcourues sont aberrantes donc je contribue à l’apport de carbone et tout cela mais dans tous les autres aspects de ma vie, j’essaye de faire du mieux que je peux. Je ne possède que très peu d’affaires, je ne dépense mon argent qu’en nourriture et essence, je suis végétarien et je ne bois pas ni ne fume ou autre. Mais c’est plus parce que je n’aime pas vraiment ça.
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Comment gérez-vous la peur Alex ?
C’est intéressant. En général, si quelque chose me fait vraiment peur, je ne le fais tout simplement pas. Je ne suis obligé à rien. Je ne fais ça que pour mon propre plaisir. Si j’ai peur, soit je passe plus de temps à me préparer ou je ne le fais pas. J’ai fait des trajectoires où j’ai escaladé 60 mètres au-dessus du sol et je me suis demandé ce que j’étais en train de faire. Puis, je suis redescendu et suis rentré à la maison. C’est dans la retenue que réside la plus grande partie de la bravoure. Parfois ce n’est juste pas votre jour. C’est le plus important avec le solo intégral : savoir abandonner.
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Les philosophes ont souvent trouvé Dieu dans les endroits en hauteur. Avez-vous eu la même expérience ?
Hm, absolument pas. [Rires] Je suis plutôt athée. J’ai probablement vécu le même genre d’émotions que les gens associent à la spiritualité comme le sentiment de ne faire qu’un avec le monde ou l’émerveillement et l’impression d’être tout petit, que les gens religieux associent à un certain pouvoir supérieur ou à Dieu. Je l’attribue simplement à la beauté de la nature et à mon amour pour le plein air.